St-Octave-de-l'Avenir

St-Octave-de-l’Avenir 1932-1971… – Extrait 2

Extrait du livre St-Octave-de-l’Avenir 1932-1971 – Chapitre « De l’Avenir… » deuxième partie

Rappel de la semaine dernière : Il est évident que les bâtisseurs de St-Octave croyaient en un avenir qui dépasserait les frontières et le cadre de leur communauté. On peut se demander s’ils ne faisaient pas les choses en prévoyant déjà qu’on allait étudier un jour leur histoire.


Ce livre est un résumé de notre histoire et un ouvrage de référence sur les habitants de St-Octave. D’autres livres viennent, qui exploreront plus en profondeur ce qu’a été St-Octave-de-l’Avenir, ce qu’il représente aujourd’hui pour notre pays. Contentons-nous pour le moment, d’ouvrir quelques pistes qui méritent réflexion.

Ferme Alphonse DeschênesOn nous demande souvent ce qui a pu attirer les gens à St-Octave malgré la difficulté évidente de l’entreprise et comment peuvent-ils, après avoir vécu autant d’épreuves, parler aujourd’hui de St-Octave comme d’un temps heureux. Je laisse la parole à mon père :

Victor Deschênes : « Mon père (Alphonse Deschênes) avait une shop (un atelier) à Val-Brillant. Il employait plusieurs ouvriers et les affaires étaient bonnes. Mais la crise a donné un dur coup aux shops à bois dans la région. Il a acheté un lot au 3e de Val-Brillant. Un été, ils sont allés visiter la parenté à Cap-Chat et sont montés à St-Octave où des parents étaient déjà installés. Ils sont revenus de là-bas complètement emballés. Ils en parlaient tout le temps. Ça n’a pas été bien long. Un matin ils nous ont dit : on lâche tout ça ici et on s’en va à St-Octave. »

Médaille du défricheur 1952Qu’avaient-ils vu sur place ? Une communauté en formation, qui avait confiance en l’avenir et qui bâtissait une nouvelle paroisse. Dans le contexte de la crise économique, c’était sûrement à l’inverse du pessimisme qui régnait ailleurs. Et cette atmosphère de nouveau monde, cette activité grouillante, ce bonheur rare que seuls les bâtisseurs peuvent connaître, quand tous ont un rôle, où l’entraide est naturelle et où les gens ont le sentiment que leur vie leur appartient, ne pouvaient laisser indifférents.

Ce qu’ils avaient trouvé sur place ? Des gens heureux. Des gens libres. Un pays neuf où tout semblait possible. Posons la question : combien d’entre nous peuvent ou pourront dire un jour: « J’ai vécu une époque heureuse et exaltante. Ou la vie était riche et pleine d’espoir. Où tout semblait possible. Où nous bâtissions un avenir dans la fraternité et dans la liberté. »

Mme Paule-Emile et enfantsSt-Octave n’était pas « dirigé ». Ni maire, ni préfet, ni chef, élu ou non. Certes il y avait des leaders comme dans toute communauté. Mais aucune autorité ne régentait la vie. Il est normal de confier des tâches et des responsabilités à des individus au service de la collectivité.

Mais finalement, quand on y songe bien… Le peuple a-t-il vraiment besoin qu’on lui dise quoi et comment faire… Il n’y avait pas de projet écrit ou de plan arrêté. Le projet est dans l’Homme. Libre, il s’allie à la terre pour se bâtir un « chez-lui ». Il aime être en communauté. Le projet de chacun est aussi le projet de tous. Lorsqu’on bâtit des maisons, qu’on fonde des familles, qu’on travaille la terre ou exerce des métiers qui servent à la communauté, on bâtit un pays. Un pays à sa mesure. Au commencement, à St-Octave comme ailleurs en Gaspésie, nous faisions le pays. Le vrai. Ancré dans la terre. Pas celui des drapeaux et des frontières. Pas celui que l’on possède, mais celui que l’on partage et qu’on laisse en héritage.

Enfant de St-Octave

Le goût et la liberté de bâtir. Voyons un peu. Les bâtisseurs de St-Octave partent d’une forêt vierge et en moins d’une décennie, ils ont une paroisse avec des rangs bâtis, de la terre faite, des moulins à scie, des écoles, une église, un bureau de poste, des routes, des restaurants, des magasins, etc. Aujourd’hui, pour n’importe quel de ces projets, il nous faudrait plus de temps ne fût-ce que pour obtenir la décision et des années encore avant le début des travaux et le projet « nous » coûterait dix fois son prix réel. Il y a une clé quelque part, non ? Oui. Et elle a pour nom la liberté. Le pouvoir de décider.

Aujourd’hui nous « attendons », « subissons » et parfois « obtenons » les décisions. Nous ne décidons plus. Que reste-t-il de notre agriculture ? Que reste-t-il de nos forêts ? Que reste-t-il de la pêche ? Qui dirige nos institutions de santé, d’enseignement ? En croyant naïvement prendre le contrôle de nos institutions, nous l’avons simplement abandonné à l’État, qui depuis, régit nos vies, nous appauvrit et nous endette envers on ne sait qui et nous décourage d’entreprendre. Mais si les gens de St-Octave ont été heureux, et que ce souvenir est toujours vivant, est-il possible de comprendre aujourd’hui, par quel chemin ils y sont parvenus ?

Comment se fait-il qu’eux, qui n’avaient rien de ce que nous avons, en parlent comme de la plus belle époque de leur vie. Il faut peut-être se demander ce qui nous rend vraiment heureux. On nous dira: « Si les gens de St-Octave avaient tout bon, alors pourquoi le village n’a-t-il pas survécu ? » Le village a cessé d’exister dans sa forme d’origine. Mais il est toujours là. L’exode de la communauté est un événement dans l’histoire du St-Octave. Et non sa fin.

L’esprit de St-Octave, qui nous anime encore aujourd’hui, est né dès sa fondation. C’est le fait le plus important et le plus durable de son histoire. Ce qui se passe ensuite avec la fermeture du village et l’exode de sa communauté, est d’un autre ordre.


A suivre dans quelques jours…

Daniel DeShaime
Cap-Chat – Avril 2016


St-Octave-de-l'Avenir 1932-1971... - Dernière partie St-Octave-de-l'Avenir 1932-1971... - Extrait 1